Le Grand Paris: projet et/ou réalité démocratique?

Le rapport Balladur a fort justement mis en évidence que c’est à Paris et dans sa zone agglomérée que les structures des collectivités locales et de leurs outils de coopération sont le plus inadaptés : l’agglomération parisienne est une forme d’urbanisation unique sur le territoire et dans une sorte de jacobinisme de la conception de la décentralisation, le choix a été fait d’y déployer les mêmes outils que sur le reste du territoire.

Si en province, il est possible de souhaiter une amélioration des outils de gestion des agglomérations, au moins la pertinence de leur existence s’impose à chacun. La coopération intercommunale est assez peu développée dans la région parisienne, mais surtout quiconque s’est promené dans l’agglomération parisienne ne peut que s’interroger sur la pertinence des EPCI existants. Quelle est la logique urbaine de la juxtaposition par exemple de Plaine Saint Denis et de Plaine de France ?

Le rapport BALLADUR a osé sortir du jacobinisme intellectuel en proposant pour l’agglomération parisienne une solution novatrice et réaliste :

La création d’une collectivité locale de plein exercice pour le Grand Paris par la fusion du département de Paris avec les trois départements de la petite couronne. Cette création s’accompagnerait de la dissolution de tous les EPCI existant sur ce territoire. Il est bien sur possible de s’interroger sur la pertinence des limites géographiques du Grand Paris ainsi constitué puisqu’elles ne prendraient pas en compte l’intégralité de l’aire urbaine. Cette proposition pas totalement idéale avait le mérite d’être relativement simple à mettre en œuvre. Elle était également très intéressante du point de vue des compétences du Grand Paris notamment parce qu’elle prévoyait de lui donner une compétence en matière d’urbanisme, de logement et de transport, c’est-à-dire celle lui permettant d’avoir un vrai rôle dans la transformation de l’espace urbain.

La mise en œuvre de cette ultime proposition du Rapport BALLADUR, aurait contraint les équipes en concurrence lors des élections locales à concevoir des projets sur un territoire pertinent et à les présenter à la fois aux habitants de SEVRAN, de NEUILLY, du 7ème arrondissement qui n’auraient plus eu la possibilité d’ignorer que leurs destins sont liés et qu’il existe entre eux une solidarité de fait. Enfin tous et en particulier les habitants de SEVRAN auraient été fondés à se présenter comme habitant Paris, à SEVRAN, comme d’autres depuis longtemps se disent parisiens d’Auteuil ou de Montmartre.

Au-delà des enjeux d’administration territoriale, un grand pas aurait été franchi dans le champ de l’imaginaire qui construit les identités.

Le choix d’une logique de projet pour conduire les transformations urgentes nécessaires est pertinent.

Le Président de la République dans son très intéressant discours sur le Grand Paris du 29 avril 2009, a posé un excellent diagnostic sur la situation actuelle de l’agglomération parisienne et il a excellemment décrit les enjeux qu’il convient de relever: il est indispensable de créer au plus tôt les dynamiques qui rendront perceptible aux habitants qu’ils ne sont pas prisonniers d’un monde immobile mais que des perspectives de transformations concrètes sont déjà en train de se dessiner. Au regard de la situation actuelle de bien des habitants, il n’était pas envisageable d’attendre qu’une réforme des structures territoriales entre en vigueur en 2014 ce qui n’aurait conduit à l’émergence des premiers projets qu’en 2015 ou 2016. Le Grand Paris ne pouvait pas perdre 5ans. Il est donc normal que l’Etat s’implique dans l’initiation des projets du Grand Paris, d’abord parce qu’il est aujourd’hui le seul à en avoir la capacité mais aussi en raison du caractère de Ville Monde du Grand Paris qu’on met aujourd’hui justement en exergue.

Cette logique de projet est elle pour autant incompatible avec la mise en œuvre de la proposition institutionnelle du Rapport Balladur pour le Grand Paris ?

A l’évidence non, rien n’empêche de lancer la démarche projet du Grand Paris, de laisser s’élaborer les contrats territoriaux avec les EPCI et les départements actuels et de prendre d’ici la fin du quinquennat les mesures législatives permettant que dès 2014, la logique de projet initiée par le Président de la République et la logique de démocratie locale issue de la naissance institutionnelle du Grand Paris s’affermissent l’une l’autre par l’addition de leurs dynamiques.

Ne pas reporter à une échéance incertaine la mise en œuvre de la réforme institutionnelle du Grand Paris paraît indispensable.

Cette réforme institutionnelle n’intéresse peut-être aujourd’hui que les élus, c’est pourtant en pensant aux citoyens qui en seront les vrais bénéficiaires qu’il convient d’en mener à bien au plus vite le projet.